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l'épaule en dedans


Naturellement, les chevaux comme tous les quadrupèdes présentent une incurvation plus prononcée d'un côté ou de l'autre. Pour vous en convaincre, il suffit d'observer de derrière un chien qui trotte ou qui galope. En général, le cheval va être plus infléchi du côté gauche.


Schéma issu du DVD de
Ph. Karl : "Dressage Classique"
DVD n° 2 de la série de trois DVD.

Prenons l'exemple d'un cheval naturellement ployé à gauche : il aura plus facilement la tête à gauche, donc sera plus facile à incurver sur un cercle à main gauche qu'à main droite ; il tendra plus volontiers sa rêne droite et le contact sur la rêne gauche sera plus difficile à prendre ; il surchargera naturellement son épaule droite ; il tournera donc plus large à gauche, mais aura tendance à tomber sur l'épaule droite en tournant à main droite et réduira de ce fait son cercle ; la poussée des postérieurs sera dissymétrique : le postérieur droit poussera davantage qu'il n'engagera, poussée qui ne sera pas dans l'axe ; le postérieur gauche engagera plus facilement qu'il ne poussera.

Tout l'objectif du dressage va être de redresser le cheval pour le rendre symétrique,  droit. Il va donc falloir rallonger le côté plus court, le gauche en général. À cet effet, nous avons donc à notre disposition des exercices qui s'appellent les "assouplissements latéraux". Le premier assouplissement latéral sera le cercle. Pour aller plus loin dans la rectitude, nous avons l'épaule en dedans.

L'épaule en dedans est donc un exercice d'assouplissement latéral du cheval. Dans cet exercice, nous devons mettre les épaules du cheval sur une piste intérieure. Nous pouvons donc parler, pour mieux imager cet exercice, "d'épaule à l'intérieur". C'est un exercice de deux pistes dans lequel le cheval se déplace latéralement après avoir été harmonieusement infléchi de la tête à la queue. Elle peut se pratiquer aux trois allures. Mais elle est plus délicate à effectuer au galop, car elle met le cheval dans l'équilibre du changement de pied. Dans cet exercice, le cheval va engager le postérieur intérieur sous sa masse. Les hanches vont se fléchir. L'épaule extérieure va s'alléger. Vous allez aussi assouplir l'ensemble de votre cheval en étendant son côté extérieur à l’épaule en dedans. Je rappelle que si un cheval refuse de se fléchir à droite, c'est qu'il est contracté du côté gauche.

 

Schéma de la prise d'épaule droite en dedans après le passage d'un coin à main droite.

L'épaule en dedans permet de redresser le cheval qui est plié sur la ligne droite ou de plier le cheval qui refuse de s'incurver sur un cercle. Je rappelle une règle essentielle, valable autant pour le cheval que nous voulons assouplir que pour nous même dans les mêmes circonstances : on ne peut assouplir que ce qui est décontracté. La décontraction du cheval est donc le fil conducteur, critère préalable à tout acte d'éducation de votre cheval.

Le but de cet article va donc être de vous expliquer comment faire une épaule en dedans et de vous proposer une progression logique pour éduquer votre cheval à cet exercice.

Mais, commençons par un peu d'histoire... La pérennité de l'épaule en dedans est communément attribuée à François Robichon de la Guérinière (1688 - 1751). Pourtant, c'est le Duc de Newcastle (1592 - 1676) qui a imaginé cet assouplissement avant lui. F.R. de la Guérinière l'a codifiée, l'a institutionnalisée. François Baucher (1796 - 1873) se voulant innovateur, a rejeté tout ce qui a été fait avant lui, dont l'épaule en dedans. Pourtant, dans ses ouvrages, nous pouvons trouver la description d'un exercice qui, bien que ne s'appelant pas épaule en dedans, y ressemble fortement...

 

1) Les aides de l'épaule en dedans :

Les aides pour effectuer une épaule en dedans sont donc les suivantes. La jambe intérieure doit agir à la sangle pour pousser le cheval dans son déplacement latéral. Elle doit agir en cadence avec le postérieur intérieur du cheval, agissant quand le cheval engage ce postérieur, cédant quand ce postérieur est en phase de poussée. Je vous renvoie pour plus de détails à l'article sur "l'action de jambe". La jambe extérieure légèrement en arrière de la sangle agira comme jambe limitante, pour contrôler le déplacement des hanches et sera également jambe d'impulsion. Dans tout exercice latéral, quand une jambe déplace latéralement, l'autre jambe s'occupe de l'impulsion. La main intérieure au creux de l'encolure pour fixer le pli. La main extérieure va réguler l'ensemble. En ce qui concerne la position de la jambe, certains auteurs, comme le Docteur Pradier, définissent trois positions possibles : une position naturelle à la sangle, une position reculée pour le déplacement latéral des hanches, une position intermédiaire pour l'action d'incurvation de la jambe, comme en épaule en dedans par exemple. J'aurais effectivement tendance à légèrement reculer ma jambe intérieure pour effectuer cet exercice...

Il nous reste à définir le travail fondamental de l'assiette. Pour me faire comprendre comment doit agir celle-ci dans les déplacements latéraux, mon Maître, Michel Henriquet, m'a fait asseoir sur une chaise et m'a demandé de la faire glisser vers la gauche ou vers la droite. Mieux que toutes les explications possibles... Faites vous-même cette expérience : vous constaterez que, pour déplacer la chaise vers la droite, il vous faut appuyer sur la fesse gauche et la tendre vers la direction voulue. Voilà ce que, d'une manière générale, vous devez faire à cheval. Vous devez rester assis d'aplomb sur votre selle et appuyer sur la fesse extérieure au déplacement pour la tendre dans le sens du mouvement. Pour bien visualiser cette action de l'assiette, vous pouvez vous reporter à l'article intitulé : "le coup du tabouret".

Certains me poseront la question du poids du corps. Il est vrai que je préfère parler d'assiette qui se tend dans le sens du mouvement. Dans les déplacements latéraux, la pesée sur l'un ou l'autre des étriers peut être utile. Il ne faut donc pas négliger cette aide. Mais, là aussi, il vous faudra écouter votre cheval. Certains préféreront suivre le poids du corps ; d'autres vont s'en servir pour résister... Il n'y a donc pas à mon sens une vérité, mais une vérité propre à chaque cheval que l'on travaille.

Cette explication des aides est très théorique ! Et, j'entends vos remarques : « C'est bien beau, tout cela, mais à cheval, ça donne quoi ? » Je vais donc résumer tout cela par une simple conseil : demandez l'épaule dedans en prenant un léger appui sur votre ischion intérieur et en tournant votre bassin dans la selle. Le fait de tourner votre bassin fera naturellement reculer votre jambe extérieure, amènera votre jambe intérieure à la sangle. Cette rotation aura également des répercution sur le travail de vote haut du corps : la légère avancée de votre épaule extérieure aménera votre main extérieure contre l'encolure et incitera les épaules de votre cheval à venir sur une piste intérieure. Quant à votre main intérieure, elle aura tendance à légèrement s'écarter et donc, à remplir son rôle de main assurant, contrôlant l'incurvation.

Un des critères de réussite qui me paraît important est que votre cheval doit être plié sans tension sur sa rêne intérieure. Votre cheval, sous l'action de votre jambe intérieure à la sangle agissant dans la direction du déplacement, va céder sur cette rêne intérieure et va avoir tendance à tendre sa rêne extérieure. Cette rêne extérieure conduit les épaules et en règle l'écartement par rapport au mur en agissant à la base de l'encolure. La jambe extérieure, en arrière de la sangle, en accord avec la rêne extérieure, va veiller au maintien de l'impulsion et évite que l'épaule en dedans ne se transforme en dérapage vers l'extérieur.

Attention, je ne veux pas dire que la rêne extérieure doit être tendue ! La légèreté doit être une obsession du cavalier ! L'utilisation constante des aides ne peut aller qu'au détriment de cette légèreté. Le cavalier ne doit agir que pour susciter le mouvement. Celui-ci obtenu, le cavalier doit cesser d'agir. C'est ce qu'on appelle la descente des aides, le cavalier n'intervenant plus que pour restaurer, corriger ou modifier le mouvement.

Un dernier petit conseil dans l'utilisation de vos aides : ne négligez pas le rôle de votre jambe extérieure ! J'irais presque jusqu'à écrire que c'est la jambe la plus importante ! Le cheval doit avancer dans son épaule en dedans ! Vous devez donc avoir cette sensation du cheval qui se porte en avant et non qui dérappe, qui s'accule dans son épaule en dedans. Et c'est par l'action de votre jambe extérieure que vous ferez avancer votre cheval dans son exercice.

 


Comète me servant pour expliquer lors d'un stage
la cession sur la rêne intérieure par l'action de la jambe intérieure.
Attention, ceci est une "démonstration pédagogique"
Donc, pour les puristes, je tiens à préciser que mes actions, pour être visibles et pour entraîner une réaction visible de Comète, sont exagérées, tout comme la réaction de Comète...

Ma jambe intérieure est fort reculée...
L'exagération de l'exercice, le fait que le cheval soit en flexion du postérieur extérieur et en phase de poussée du postérieur intérieur doivent y être pour quelque chose...
Faut bien que je me trouve des excuses...

 

2) Aborder l'épaule en dedans :

Nous pouvons considérer l'application que nous mettons pour faire passer les coins du manège à notre cheval comme le premier apprentissage du jeune cheval. Attention, il ne faut pas en demander plus que votre cheval est capable de vous en donner. Nous travaillons dans l'objectif de ce que notre cheval sera capable de faire un jour... Donc, nous travaillons en préparation de ce jour. Je rappelle que le fil conducteur du travail est la décontraction. La perte de décontraction est donc un signe fort de votre cheval qui vous dit : "Attention, là, tu vas trop loin !"

Pendant le débourrage de votre cheval, vous lui avez appris à marcher à la piste et à ne pas la quitter. Vous vous rendez donc compte que lui apprendre l'épaule en dedans directement à la piste lui pausera un problème, celui de ne pas remettre ses épaules à la piste, comme il vient de lui être enseigné... Alors, aidez-vous de l'attraction que la paroi exerce sur votre cheval.

Voici comment je procède : par exemple, à main gauche, faites un cercle dans le coin, en fin de grand côté, du diamètre de la moitié du petit côté. Profitez de ce cercle pour faire un doubler sur la ligne du milieu en C, et sous l'action de votre jambe intérieure, la jambe gauche, essayez d'amener votre cheval vers la piste opposée vers la lettre E. Vous visualiserez mieux cet exercice en regardant la partie droite de l'animation ci-dessous.


À droite : animation de l’épaule en dedans sur une diagonale.
À gauche : animation de l’épaule en dedans à la piste. 

Vous pouvez également aborder l'épaule en dedans sur le cercle. Il m'arrive de le faire, mais plus avec des chevaux à rééduquer. Je vous mettrai simplement en garde à ne pas faire déraper les hanches, ce qui est très facile si vous reculez trop votre jambe intérieure.

 

3) La contre épaule en dedans :

La contre épaule en dedans est une épaule en dedans qui se fait face au mur et non plus dos à celui-ci.


Contre épaule en dedans. Attention, lorsque vous effectuez une contre épaule en dedans, vous devez considérer les coins comme des quarts de pirouette dans le pli de l'épaule en dedans.

J'aborde la contre épaule en dedans après avoir effectué une demi-volte au bout d'un grand côté. Je trouve plus intéressant pour le cheval (et le cavalier, donc !...) d'effectuer cet exercice sur une piste intérieure plutôt qu'à la piste. Sur une piste intérieure, le mur ne pourra servir de guide que de loin... Et toute la difficulté, l'intérêt de ce procédé consistera à maintenir le cheval à égale distance de ce mur. Il faut à tout prix éviter que le mur ne serve de butoir dans cet exercice, même si nous le faisons à la piste...

Catherine DURAND HENRIQUET montant Orphée : épaule gauche en dedans au pas.
Épaule gauche en dedans effectuée au aps :
Catherine Henriquet,
montant Orphée, lusitanien de 4 ans.

 

4) Une proposition de progression :

Ce qui suit n'est qu'une proposition et n'engage donc que moi ! D'autres combinaisons restent bien entendu possibles. Mais une des règles d'or de l'enseignement est que la progression doit aller du facile vers le difficile, du simple vers le complexe.

L'épaule en dedans sur une diagonale ne posant plus de problème à mon cheval, j'aborderai ensuite la contre épaule en dedans tel que je l'ai expliquée sur l'animation précédente.

Viendront ensuite les épaules en dedans sur les cercles et à la piste à partir d'une volte.

Deux facteurs peuvent définir l'épaule en dedans : l'obliquité qui est l'angle que fait mon cheval par rapport à la piste, et l'incurvation qui est l'arc de cercle dessiné par la colonne vertébrale de mon cheval. Dans un premier temps, parlons de l'obliquité de l'épaule en dedans. Dans l'apprentissage de cet assouplissement que je commence sur la diagonale, les jeunes chevaux peuvent avoir tendance à prendre une obliquité relativement importante et à se mettre sur quatre pistes : une piste par membre. Nous sommes ici dans la période pendant laquelle le cheval doit comprendre l'exercice, le premier temps défini par M. Henriquet dans son livre "Gymnase et Dressage" comme étant "le temps de comprendre". Nuno Oliveira disait pour ce temps de comprendre : "La mécanique d'abord, le geste ensuite !" Il faut donc laisser au cheval le temps d'assimiler le mécanisme du mouvement. Ensuite, je pourrai lui demander d'avancer dans l'exercice, en cherchant à favoriser l'engagement plutôt que le croisement. Je chercherai donc à allonger la diagonale. Le cheval sera alors sur trois pistes : une piste pour le postérieur extérieur, une piste pour le diagonal extérieur (antérieur extérieur et postérieur intérieur), une piste pour l'antérieur intérieur.


Épaule en dedans sur trois pistes.
Piste 1 : postérieur extérieur ;
Piste 2 : diagonal extérieur (antérieur extérier combiné au postérieur intérieur)
Piste 3 : antérieur intérieur.


Épaule en dedans sur quatre pistes.
Piste 1 : postérieur extérieur ;
Piste 2 : postérieur intérieur ;
Piste 3 :antérieur extérieur ;
Piste 3 : antérieur intérieur.

Il est délicat de donner des règles précises, car chaque cheval devra être travaillé dans l'obliquité et l'incurvation qui lui conviennent le mieux pour le faire progresser. Certains chevaux très "anguilles" devront être travaillés avec moins d'incurvation, quelle que soit l'obliquité ; d'autres, plus rigides, devront être travaillé progressivement vers plus d'incurvation.

D'une manière schématique, dans un but de clarté pour mon cheval, j'opterai pour débuter, comme je l'ai déjà expliqué, par une épaule en dedans avec une obliquité plus accentuée, pour aller progressivement en diminuant cette obliquité, l'incurvation dépendant de la main à laquelle je me trouve et de la nature de mon cheval. En effet, avec un cheval beaucoup plus souple à gauche qu'à droite, nous pouvons parfaitement travailler avec moins d'incurvation du côté gauche que du côté droit. Il n'y a pas de règle autre que la logique du travail recherché.

Catherine DURAND-HENRIQUET montant ULTRA (4 ans)
Épaule droite en dedans effectuée au trot :
Catherine Henriquet,
montant Orphée, lusitanien de 4 ans.

Les transitions dans l'épaule en dedans, trot - pas - trot, pas - arrêt - pas, etc. sont également de très bons éducatifs qui obligeront votre cheval à s'équilibrer dans ses transitions.

L'arrêt en épaule en dedans prépare l'arrêt d'école. Par sa jambe intérieure, le cavalier doit veiller à ce que le postérieur intérieur de son cheval soit bien engagé, le postérieur extérieur étant contrôlé par la jambe extérieure du cavalier qui l'empêche de s'échapper.

Pour terminer, vous trouverez ci-dessous des schémas pour mieux illustrer mes propos.

Épaule en dedans à partir de la volte inscrite dans un coin du manège. Le cavalier bénéficie de l'incurvation du cercle pour démarrer les premiers pas de l'épaule en dedans à la piste.

Vous avez trois possibilités pour sortir de l'épaule en dedans :


Schéma n°1


soit en repartant sur un cercle
(schéma n°1),


schéma n°2

soit en laissant le cheval se redresser sur une diagonale (schéma n°2),


schéma n°3

soit en le laissant se redresser sur votre rêne extérieure, sur la ligne droite (schéma n°3).

Vous pouvez aussi convertir l'épaule en dedans en rotation autour de l'épaule intérieure. L'engagement du postérieur intérieur atteint son maximum d'amplitude.

Vous pouvez aussi convertir l'épaule en dedans en rotation autour du postérieur extérieur. L'amplitude du mouvement des épaules est alors maximum. Attention, à trop réduire cette rotation, vous prenez le risque que les genoux se touchent.

Vous retrouverez ces deux animations dans l'article consacrés aux "pirouettes".