Les mors
Pièce de harnachement essentielle, c'est grâce
au mors que sont transmis les indications du
cavalier vers la bouche du cheval. Pourtant, peu de cavaliers savent comment
fonctionnent ceux-ci. Autant dire que bien souvent, on s'oriente au pifomètre
dans cette jungle de métal...
1) La bouche du cheval
:
le mors agit dedans,
et plus particulièrement sur les barres, la langue et la commissure des
lèvres.
Les barres sont des espaces dépourvus de dents,
(sauf pour les hongres et les mâles qui ont des crochets) situés entre
les incisives et les molaires. C'est le point de la bouche le plus
sensible. Les mors s'appuient dessus.
La langue est constituée de muscles recouverts
d'une muqueuse. Elle présente un renflement au niveau des premières molaires
où le mors vient s'appuyer quand le cheval le pousse. La langue
est moins sensible que les barres. Les
mors agissent dessus comme un casse noisette.
Les commissures des lèvres,
points de jonction entre la lèvre supérieure et la lèvre
inférieure, sont les éléments les moins sensibles de la bouche du
cheval.
L'auge est l'endroit où la gourmette exerce son
action. Ce n'est pas un simple point d'appui pour le mors : il y passe un
nerf très sensible, que la gourmette vient écraser quand elle entre en action.
C'est pourquoi un même mors avec la gourmette sera beaucoup plus dur que
sans gourmette...
2) Les matériaux
:
L'acier
est l'alliage le plus répandu. Il est nickelé pour les mors bas de gamme
(la rouille aurait un effet décontractant par la libération d'ions ferreux
lors de l'oxydation) et en acier inoxydable pour les mors haut de gamme.
On trouve différentes techniques de polissages et différentes finitions.
Les mors en acier peuvent être creux ou pleins, pour jouer sur le poids
du mors.
Le caoutchouc
adoucit l'action sur les barres et la langue (c'est intéressant pour les
pelhams, qui appuient beaucoup sur les barres)
Les mors en synthétique
(téflon, résine...) ont une action
identique au caoutchouc, mais sont plus chers. Ils doivent être pourvus
d'un câble en acier qui évite que le mors ne se rompe en cas de dégradation
de la résine, car la salive des chevaux est souvent acide et finit par attaquer
le matériau synthétique.
Le cuivre
est un métal apprécié des chevaux. Associé à l'inox, il donne un goût salé
par électrolyse. Le cuivre fait saliver et décontracte donc la bouche.
Les alliages
(maillechort, aurigan, cyprium...) contiennent souvent beaucoup de
cuivre. Ils ont pour but de faire saliver le cheval, et donc de décontracter
sa bouche. Ils sont plutôt chauds au toucher et sont appréciés des chevaux.
Ces mors sont souvent dorés et ont un intérêt esthétique suplémentaire.
Malheureusement, ils sont souvent très chers.
Le laiton et le
bronze ont uniquement un intérêt esthétique...
3) Les grands types
de mors :
Les filets brisés
sont des mors simples articulés en leur milieu. On y trouve différents types,
qui sont caractérisés par la forme de leurs anneaux. La forme des anneaux
les rend plus ou moins fixes dans la bouche, et donc plus ou moins directionnels,
et plus ou moins décontractants. Les mors brisés agissent comme un casse-noisette
en agissant d'abord sur les lèvres, puis sur les barres, et enfin sur la
langue. La position des mains influe le mode d'action: des mains hautes
renforcent l'action sur les lèvres, alors que des mains basses accentuent
l'appui sur les barres. On peut donc moduler l'effet selon le cheval...
On associe souvent une muserolle pour éviter que les chevaux ne se défendent
en arc-boutant. Néanmoins, la présence d'une muserolle peut gêner la décontraction
en empêchant le cheval de mâchouiller son mors. Les filets brisés ont l'avantage
de ne pas inciter les chevaux à relever la tête, et il permettent un bon
appui sur la main. Ces mors sont plutôt doux. Ce sont toujours des mors
releveurs, sauf le gag voir description ci-dessous?).
Les mors brisés
à gourmette sont assez sévères et agissent par rotation du mors qui
vient pincer le renflement la langue dans le V de l'articulation et écraser
le nerf mandibulaire sous la gourmette. Ce sont des mors releveurs ou abaisseurs
selon la longueur de leurs branches. Les mors à branches
ont souvent un petit anneau à chaque branche, qui permet d'ajouter une "sur
gourmette" ou "fausse gourmette" : une lanière de
cuir qui empêche le cheval d'attraper avec les branches de son mors avec
ses lèvres et qui l'empêche de retourner le
mors dans la bouche.
Les filets non brisés
sont des mors encore plus doux, parce qu'ils n'ont pas d'effet de casse
noisette, et ont un appui sur les barres diminué.
Les mors non brisés
à gourmette sont des mors très sévères qui agissent sur les barres
(parce qu'ils ont souvent un passage de langue, qui décharge l'appui de
la langue sur les barres). Ce sont des mors puissants, qui permettent de
bien contrôler le cheval, même s'ils sont brutaux entre des mains inexpérimentées
Les mors non brisés
avec passage de langue :
Le passage de langue, comme
son nom l'indique, premet à la langue de "passer" sous
le mors. Avec ce type de mors, la langue ne sert plus de matelas entre le
canon du mors et les barres. Il appuie donc directement sur elles. Les mors
à passage de langue sont donc plus durs.
4) Quelques mors en détail
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Un mors droit en cuir, très doux. L'action du mors droit sur les barres
est faible, et le manchon de cuir adoucit encore l'action du mors. Un mors
utilisé pour débourrer les poulains sans abîmer leur bouche.
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Un mors brisé à anneaux, en acier. Simplicité
et douceur. Le fait que les canons puissent bouger librement autour des
anneaux rend ce mors très décontractant, mais ce type de mors peut parfois
pincer les lèvres. Il est donc souhaitable de l'utiliser
avec des rondelles en caoutchouc (voir ci-dessous). Peut être utilisé avec
un mors de bride.
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Les rondelles |
Qui n'a pas pesté
en voulant mettre des rondelles sur un mors... Le schéma de droite
vous explique comment, à l'aide d'une pince, ici une triquoise, vous
pouvez y arriver plus facilement... |
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Un mors brisé à olives. Le canon de ces mors peut être creux, donc
léger, ou plein, donc lourd. L'olive est la partie renflée
où l'anneau et le canon se réunissent. Grâce à
cette forme, les rondelles en caoutchouc ne sont plus nécessaire.
Un peu plus directif que le mors à anneaux, et un peu plus franc, parce
que les canons ne peuvent plus coulisser sur les anneaux. Peut être utilisé
avec un mors de bride.
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Un mors Verdun. Ses grands anneaux en D en font
un mors encore plus franc et précis.
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Un mors à aiguilles. Ses grandes aiguilles permettent de véritablement
pousser la tête du cheval quand on tourne. Un mors très précis et efficace,
tout en étant doux. |
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Un mors torsadé. La finesse des canons et les multiples
bords tranchants des torsades en font un mors extrêmement dur. Mors pouvant
être utilisé avec des rondelles... Bien que, quand on en
arrive à utiliser ce type de mors... |
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Un gag, ou mors releveur, en résine. C'est
un mors qui porte très mal son nom, parce qu'utilisé avec ses montants spéciaux,
il incite les chevaux à résister en baissant la tête. C'est un mors intéressant
parce qu'il peut être utilisé avec 4 rênes. Les rênes de filet sont "releveuses"
et les rênes de gag sont "abaisseuses" (en polo, on utilise les rênes de
filet pour tourner, les rênes de gag pour arrêter...). L'intérêt est qu'il
permet de débuter la conduite à 4 rênes avec un mors doux, sans avoir besoin
d'un pelham ou d'un bride. Il faut toujours l'utiliser avec une muserolle. |
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Un filet à double brisure, en maillechort. Il est plus décontractant, mais
plus sévère qu'un mors à simple brisure, parce que la double articulation
diminue le pincement de la langue et accentue l'appui sur les barres. Mors
pouvant être utilisé avec des rondelles. |
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Un mors à palette. C'est un mors similaire à celui
à double brisure. La palette incite le cheval à jouer avec sont mors et
le décontracte plus. Mors pouvant être utilisé avec des rondelles. |
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Un mors Baucher. Les branches supérieures du mors renforcent
l'effet releveur, commun à tous les mors de filet. |
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Un mors Pessoa en cyprium. Les branches inférieures rendent ce mors
légèrement abaisseur, et plus sévère que les mors de filet classiques. On
peut monter les alliances sur ce type de mors et le rendre donc plus dur,
à mesure que l'on tire, et plus doux lorsque la main agit légèrement. |
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Un mors à 4 anneaux. Très utilisé en attelage dans les pays de l'est
et adaptable aux autres disciplines. Un mors qui décontracte plus le cheval
que les autres, et qui rend le contact avec la main plus franc. L'effet
de cession sur ce mors est immédiate. Le mors idéal pour celui qui a une
main très douce. Ce mors peut être très dur dans des mains maladroites. |
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Un mors "espagnol". C'est un mors plutôt dur, utilisé très souvent
en corrida. Sa principale particularité est que les rênes glissent le long
des anneaux au fur et à mesure que l'on agit, modifiant le bras de levier,
comme le ferait une alliance sur un pelham. |
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Un pelham, recouvert de cahoutchouc. Un mors dur, légèrement
releveur en utilisant les grands anneaux, et abaisseur en utilisant les
anneaux du levier. Utilisation possible à 4 rênes,
comme un gag ou une bride. On l'utilise aussi avec des alliances (voir
ci-dessous) pour moduler l'action du mors en fonction de celle de la main. |
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Le même, mais sans caoutchouc...
Encore plus dur ! |
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Endroit où s'accrochent les alliances. |
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Un mors l'Hotte à pont. C'est un mors de bride,
à utiliser forcément en association avec un mors de filet. C'est un mors
dur, et abaisseur. Ceux à pont sont plus doux que ceux à passage de langue. |
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Un mors Saumur, ou "à pompe", avec un passage de langue. Un mors
de bride plus déconctractant que le l'Hotte,
parce que les branches sont mobiles. Les "pompes" font varier
la longueur du bras de levier du mors, donc sa puissance. Quand la main
n'agit pas, le mors descend sur les pompes et le bras de levier se trouve
donc plus court. Quand la main agit, le mouvement de bascule du mors dans
la bouche du cheval fait remonter le mors sur les pompes. Le bras de levier
augmente et l'action se trouve alors renforcée. |
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Un mors d'attelage "Liverpool". Les guides peuvent
être fixées à différentes hauteurs, pour moduler la puissance de ce mors.
C'est un mors dur, comme la plupart des mors d'attelage, pour avoir un contrôle
maximal sur le cheval. |
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Une hérésie de l'art équestre
: le mors anti-passe-langue ou l'anti-passe-langue en caoutchouc qui se
place sur un mors normal... Il oblige les chevaux qui ont tandence à
passer la langue sur le canon du mors de la laisser en dessous... |
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Pourquoi "une hérésie"
? Un cheval décontracté mâche son mors en laissant la
langue sous celui-ci. Un cheval qui passe la langue au dessus du mors est
donc un cheval crispé dans sa bouche... Pensez-vous alors que ces
artifices favorisent la décontraction ou plutôt la contraction
dans une bouche où la langue cherche par tous les moyens à
passer par dessus le mors, sans y parvenir... Un travail bien mené
est donc le moyen à privilégier pour que votre cheval se décontracte
dans sa bouche et passe sa langue correctement sous son mors.
5) Bien régler son filet ou
sa bride :
Tout d'abord, assurez-vous que le mors est à
la bonne taille. Il ne doit pas être trop large, car cela renforcerait
l'effet de "casse-noisette" décrit plus haut. De plus,
le mors se plierait davantage en son milieu, ce qui risquerait de gêner
le cheval dans sa bouche, au niveau du palais. Le mors doit donc être
légèrement plus large que la bouche, mais de quelques millimètres
seulement. Pour vous assurer de son bon positionnement
dans la bouche, regarder les commissures des lévres : elles doivent
être légèrement plissées (environ deux plis).
Le mors de bride doit être un peu plus
ajusté à la bouche du cheval du point de vu largeur. Ce
mors ne doit pas pouvoir se déplacer latéralement dans
celle-ci. Il doit être positionné légèrement
plus bas que celui de filet.
Faites attention que les mors ne puissent pas toucher
les dents de votre cheval. Un mors de filet trop haut peut venir heurter
ses premières prémolaires. Un mors de bride trop bas peut
venir heurter les crochets chez un mâle ou un hongre. Il ne faut pas
hésiter à revoir régulièrement vos réglages,
surtout avec un filet neuf qui a besoin de se mettre en place.
La gourmette du mors de bride doit être bien
mise à plat. Vous pouvez l'utiliser avec un protège gourmette
qui, comme son nom l'indique, protégera l'auge. Une gourmette est
correctement ajustée lorsque, rênes de bride tendues, les montants
du mors forment un angle de 45 ° avec les prolongements des montants
de la bride. Une gourmette trop lâche n'a guère d'effet. Je
vous recommande d'ailleurs de la régler de la sorte, voir de ne pas
en mettre quand vous débutez en bride, le temps de vous familiariser
avec les quatre rênes dans vos mains... Une gourmette trop serrée
provoque des défenses de la part de votre cheval. Il risque de s'encapuchonner,
de remonter sa langue... Une seule solution : rallongez là.
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Attaches de la fausse gourmette sur les montants du
mors de bride et, passage de celle-ci dans l'anneau de la gourmette.
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Protèges gourmette
Je vais terminer cet article par une citation de
Baucher : "Rien ne vaut le bridon !", le bridon étant l'autre
nom du filet simple... Ne cherchez donc pas la solution dans l'utilisation
de mors "barbares". Un filet simple, un Baucher et une bonne main
vallent mieux que n'importe quel enrênement. Et une bonne main, cela
se travaille.
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