Cette notion de mise en main préoccupe bon nombre de cavaliers.
Et une des questions qui me revient le plus souvent est : "Je n'arrive
pas à mettre mon cheval sur la main !" La réponse
que j'aurais tendance à leur faire de façon un peu caricaturale
est la suivante : "Alors, n'essayez pas et vous verrez qu'un jour,
il se mettra en main !".
Comment définir la mise en main ? D. Barbier a écrit
: "Mettre le cheval en main, c'est établir la communication
avec le cheval." ("Nouvelle image de l'Équitation"
Éditions Zulma Calmann-Lévy 1996) Pour le Gal Decarpentry, dans son ouvrage publié en 1949 et actuellement
édité aux Éditions Ed. Lavauzelle : "Équitation
Académique", "la mise en main, c'est la décontraction
de la bouche dans la position du ramener ( ), les muscles ( )
plus ou moins crispés se détendent". Nuno Oliveira
précise que "le cheval, par l'exercice, finit par aller
prendre contact avec la main en se plaçant".
La mise en main se traduit par un cheval qui vient se poser sur son mors,
sans y prendre l'appui, sans peser sur celui-ci. Son encolure et sa nuque
se relâchent. Le chanfrein vient se rapprocher de la verticale. C'est
ce qu'on appelle le ramener. Cette décontraction de la bouche est
la conséquence de la décontraction de l'ensemble des muscles
constituant la ligne du dessus du cheval, c'est-à-dire des muscles
de la croupe, du dos et de l'encolure. La nuque est donc un très
bon indicateur de l'état physique et moral du cheval. Elle indique
des raideurs, des crispations qui peuvent se situer à d'autres endroits
sur le cheval. Et c'est en trouvant un remède à ces crispations,
ces raideurs, que la décontraction de la nuque (re)viendra.
Je pense qu'avant d'aller plus loin dans la mise en main, il serait
intéressant de définir deux notions souvent confuses pour
les cavaliers : la notion de décontraction et celle d'assouplissement.
Ce sont deux notions différentes. La décontraction est
un état moral de bien-être et de confiance qui entraîne
un relâchement, une détente physique.
La souplesse est un état physique qui qualifie le degré
d'amplitude d'une articulation : je suis capable de poser mes mains
à plat au sol en gardant les jambes tendues, je suis souple.
Par contre, devant l'aiguille de la seringue de l'infirmière,
je suis crispé, je suis contracté, le muscle de la fesse
est tétanisé et l'aiguille a du mal à pénétrer
! Il est important de bien comprendre ces deux notions. Vous comprenez
qu'on ne peut assouplir que ce qui est décontracté ! Si,
grâce à son bien-être moral, le muscle du cheval
est relâché, je pourrai par un travail approprié,
le faire s'allonger afin de rendre le cheval plus souple. Il ne sert
donc absolument à rien de faire des kilomètres d'épaule
en dedans, par exemple, si le cheval ne se trouve pas dans de bonnes
dispositions mentales.
Donc, le premier stade de la mise en main que nous pouvons également
appeler la "mise sur la main", est l'obtention de cette décontraction
morale qui va entraîner le relâchement physique. Le jeune
cheval qui découvre subitement le poids du cavalier doit apprendre
à s'adapter à cette nouvelle surcharge, à ce nouvel
équilibre. Il est fréquent qu'un poulain naturellement
très brillant dans ses allures ait du mal à retrouver
ses allures naturelles sous la selle du cavalier. Le Général
Decarpentry évoquait en parlant du dressage qu'il s'agit "
de rendre au cheval monté le naturel de ses mouvements en liberté
". C'est ici que la phrase citée plus haut de Nuno Oliveira
prend toute sa valeur.
C'est par un travail de base que le cheval trouvera les solutions pour
s'adapter à ce nouvel équilibre : transition d'allures,
incurvation sur les cercles, sur les diagonales, sur des serpentines,
en veillant au maintien de l'impulsion et de la rectitude de son cheval.
La rectitude n'est autre que l'adaptation de la flexion de la colonne
vertébrale du cheval à la courbe ou à la ligne
droite que le cavalier lui demande de tracer. Nous appelons également
cela "marcher droit".
La mise en main est avant tout un rapport de confiance entre le
cheval et son cavalier. Ce nouveau poids sur son dos le perturbe dans
son équilibre. Cet objet étrange qu'est le mors dans sa
bouche l'inquiète. Il n'ose en chercher le contact, il se crispe
dans son encolure, dans sa nuque et refuse de se poser sur la main.
Il n'ose se porter en avant. C'est donc par une mise en confiance que
ce contact recherché se fera. Et ce contact franc, bien que mesuré,
ne s'obtiendra qu'à la suite d'un travail "délicat
et prolongé" . "Il ne s'impose pas par la force, mais
amène le cheval à chercher l'appui léger sur son
mors, comme un enfant cherche la main de sa mère"(Michel
Henriquet dans " Gymnase et Dressage", aux Éditions
Maloine 1991).
Nuno Oliveira montant Euclides
Nous voyons également ici l'importance d'une bonne mise en selle du
cavalier. Un cavalier à l'assiette hasardeuse aura tendance à
s'accrocher aux rênes, donc à la bouche de son cheval. La bonne
position est donc un préalable à toute recherche de mise en
main. Vous ne pouvez prétendre à mettre un cheval en équilibre
si vous-même vous ne l'êtes pas ! Vous ne pouvez prétendre
à décontracter un cheval si vous-même vous ne l'êtes
pas ! J'invite donc les cavaliers qui ont encore des problèmes
d'assiette à travailler en vue de son amélioration. Et je les
invite également à ne pas hésiter à travailler
au trot enlevé plutôt que d'être assis, accroché
à la bouche de leur monture.
Je ne manquerai pas, pour conclure cet article de vous renvoyer à
l'article du site qui vous parle de l'action des aides : "Les mains,
les jambes, l'assiette." L'action juste des aides est fondamentale
dans l'obtention de la décontraction du cheval et de sa mise
en main.
Le cheval tendu
Le chemin de l'impulsion
Le cheval tendu est un cheval qui se trouve dans l'impulsion et l'équilibre
nécessaire pour que la tige vertébrale se tende à
la façon d'un arc par l'effet de la poussée des postérieurs
sous la masse par la mobilisation des muscles de la paroi abdominale.
L'avant-main s'allège pour plus de mobilité. C'est
une qualité à la fois physique et morale. Elle est le
résultat de la maîtrise de l'équilibre, de l'impulsion
et de l'engagement des postérieurs et est indispensable à
la conduite facile et correcte du cheval.
J'aime beaucoup l'expression de Michel Henriquet qui parle de cheval tendu sur lui-même, en opposition au cheval tendu sur la main de certains cavaliers. Il faut que l'être humain soit bien prétentieux pour penser que le cheval a besoin de sa main pour se tendre... Le cheval dans la nature n'a aucunement besoin du secours d'un quelconque cavalier pour arriver à se tendre en cas de nécessité, soit pour parader devant les copains, les juments, soit pour préparer sa fuite en cas de suspicion de danger...
En complément à cette article, je vous renvois à la lecture de l'article sur la légèreté.